Le façonnement des treillis

Les murs de la Yourte, nous l'avons dit, sont constitués de treillis. Dès que le bois fut arrivé, le rabot a tourné à plein pour préparer le façonnement des lattes qui constituent les murs. On a raboté environ 2,5 km de bois, sachant que ça ne se fait que rarement en une passe : la moyenne serait plutôt à trois. Mais ça ne suffit pas pour parvenir à nos fins, de nombreuses opérations restaient à faire.

Les treillis, en théorie

Les treillis sont des assemblages denses de lattes, disposés en parallélogrammes déformables. Mais comme un petit dessin vaut mieux qu'un long discourt :

Schéma du treillis

L'echelle donnée est valable lorsque le dessin rempli une feuille A4 ; ce qui donne une résolution baroque d'environ 35,4 pixels par cm sur le dessin, soit une échelle d'environ 177 pixels par mètre.

Les dimensions que nous retenons pour nos treillis sont les suivantes :

  • des lattes de 256 cm ;
  • 13 trous espacés de 20 cm ;
  • des lattes de treillis posées à 57° pour une hauteur de mur de 215 cm.

Ces choix résultent de compromis. Par exemple :

  • Une latte très inclinée (vers l'horizontale) rend d'autant plus difficile l'arrondissement du treillis en cylindre. Celui-ci risque de prendre une forme concave (hyperboloïde à une nappe, comme on peut voir ici à droite) gênante pour le montage de la yourte. Ceci étant il est plutôt judicieux d'être proche des 45° pour que le treillis soit solide dans toutes les directions.
  • Un lattage trop dense consomme beaucoup de bois et d'énergie. Par ailleurs cela peut rendre le treillis difficile à courber, et un nombre élevé de perches peut impliquer un toono impossible à fabriquer. Cependant, un treillis trop faible et trop peu de perches mettent en cause la résistance mécanique de la yourte.

Les assemblages aux niveau des nœuds sont faits de ficelle. Par exemple :

Assemblage du treillis

En pratique, nos nœuds seront faits de façon différente du dessin indiqué ici, mais ce sera pour une autre fois.

Les treillis, en pratique

Nous avons profité d'avoir des amis pour les inviter à nous donner un petit coup de main. :) Les différentes opérations à faire étaient les suivantes :

  • choisir l'emploi du bois et marquer suivant le gabarit ;
  • scier les extrémités des lattes ;
  • toupiller les lattes pour casser les angles ;
  • percer les lattes ;
  • poncer les lattes ;
  • huiler les lattes.

L'atelier pour le chantier murs

Le marquage des lattes

Le marquage des lattes était le poste stratégique. C'est là qu'on choisissait l'emploi du bois, dans le bon sens, et sur les bonnes parties.

En effet, il faut mieux mettre le ventre de la courbure du bois transversalement au mur, pour d'une part ne pas faire apparaître le défaut, et d'autre part faciliter la courbure du mur. Aussi, les lattes ayant potentiellement des défauts en bout (éclats, nœuds, aubier ou écorce…), il faut positionner les marques de coupe aux bons endroits pour minimiser les défauts. Enfin, il faut repérer les marques pour les 13 trous, en s'aidant du gabarit.

   
Alain, au marquage des lattes Max, au marquage des lattes

Le sciage des lattes

Le sciage des lattes était un des postes les plus simples et les plus rapides : on repère la marque, et zou, on scie la latte avec la scie à ruban, qui avale le bois comme du petit lait.

   
La scie à ruban Audrey, qui scie d'une main de maitre !

Le toupillage des lattes

Le toupillage des lattes (l'action de les passer à la toupie, une espèce de fraise), était un des postes les plus physiques et dangereux. Physique, car il faut bien maintenir plaqué le bois contre le guide, même lorsque le bois est courbe. Dangereux, car il faut prendre garde à ses doigts, surtout en fin de course car l'outil se découvre.

L'idée est donc de faire glisser la latte le long du guide, pendant qu'une espèce de fraise (un fer de toupie) rogne le coin \_o< de la latte.

   
La toupie sur le combiné à bois Rémi, s'essayant au toupillage

Le perçage des lattes

Le perçage des lattes était un des postes les plus lents, vu le nombre de trous à faire (13 par latte !). Ça nécessite une bonne vue et de la concentration. Nous avons percé à 6 mm avec une mèche à trois pointes. Vu que c'était le poste le plus lent, nous avons veillé à ce que la perceuse soit occupée à plein temps !

   
La perceuse Émelyne, perceuse de choc !

Le ponçage des lattes

Le ponçage des lattes était un des postes les moins drôles. Deux kilomètre de faces de bois à poncer… On a vu plus motivant. :) Mais bon, c'est un passage obligé pour rendre le bois doux comme de la soie.

   
Alain au ponçage Aurore et Pablo au ponçage

Le huilage des lattes

Pour le huilage des lattes, nous avons, encore sur une idée de Nicolas, réalisé un bain avec une gouttière PVC remplie d'huile de lin. Les lattes sont mises à tremper quelques dizaines de minutes, après quoi elles sont retirées du bain et mises dans une seconde gouttière, à égoutter. Une fois égouttées celles-ci sont rangées en attende d'un bain futur.

Nous employons l'huile de lin pure et froide, sans ajout de siccatif ou d'essence de térébenthine. De fait il n'y a ainsi aucun produit toxique dans notre traitement. Par contre la contre partie est que l'huile résiduelle ne durcit pas. Elle doit être absorbée par le bois au fil du temps, et être essuyée au chiffon. Ça allonge donc significativement le procédé de traitement.

Nous avons fait différents tests d'imprégnation, de 10 minutes à 24h. Pour les durées courtes, on ne constate pas de différence flagrante d'imprégnation, qui est d'environ ½ mm. Notre hypothèse pour expliquer ça est que le bois met des heures à s'imprégner de l'huile résiduelle en surface, et que la longueur courte du bain importe peu dans ce processus. Par contre, pour un bain de 24h, on voit assez clairement que le bois pompe l'huile plus en profondeur (1 mm environ).

Pour la petite histoire, il nous a été « difficile » de trouver de l'huile de lin. Celle-ci est indisponible dans la plupart des magasins de bricolage, sauf en bouteille de 1l et à un tarif exorbitant. C'est relativement démoralisant de parcourir les rayons bourrés de produits toxiques, mutagènes et polluants vendus sans aucun contrôle par bidons de 50l, et de se voir offrir l'éternelle réponse négative à la demande simple d'un produit naturel, peu transformé, et producible localement.

Heureusement pour nous, le bouche à oreille a fait son chemin et nous sommes allés à la huilerie Coache, une des dernières de france, qui nous a vendu une huile de lin pure à très bon prix.

   
Aurore et Pablo les mains dans l'huile Les lattes en cours de trempage / égouttage

Conclusion

En un week end, nous avons préparé environ 200 lattes prêtes à être assemblées à la ficelle. Alors on dit merci qui ?

Merci les amis !

François